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samedi 4 janvier 2014

L'ÉVÉNEMENT ANTHROPOCÈNE
La terre, l'histoire et nous

Pour des raisons climatiques, il faut absolument des choix politiques de contraintes énergétiques, bien avant que les prix de l'énergie nous forcent à changer de modèle.
Extraits choisis:
« L'Événement Anthropocène bouleverse les sciences humaines et sociales et ébranle leurs paradigmes et leurs catégorisations. Ce sont désormais les sciences du système Terre, et non plus les historiens, qui nomment l'époque géologique dans laquelle nous vivons. Certes, un vertige nous prend, une perte de repère pour les humanités environnementales, à devoir penser désormais l'agir humain aussi à l'échelle géologique de dizaines de milliers d'années.

L'Anthropocène est le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité. Les travaux des années 1970 sur l'impossibilité d'une croissance indéfinie dans une planète finie furent soigneusement mis sous le boisseau par les promesses rassurantes de l'innovation technologique et par ce mot d'ordre du "développement durable". Alors que ces travaux prônaient une économie au service du social et à l'intérieur des limites biophysiques de la planète, le discours du "développement durable" qui s'imposa à partir des années 1980 affirmait mettre en négociation trois pôles bien identifiés: l'économique, le social et l'environnement.

Au lieu de cela on a fait de l'environnement une nouvelle colonne dans la comptabilité des entreprises: les nouveaux "services écosystémiques" feront l'objet de marchés ; la biosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère deviendrons de simples sous-systèmes de la sphère financière et marchande. L'un des aspects déterminants dans le passé de l'Anthropocène fut la capacité à rendre politiquement inoffensives les dégradations et les critiques.

Depuis Spoutnik, des milliers de satellites encerclent la Terre en boucles de 90 minutes. Leurs ondes enveloppent le globe d'une deuxième atmosphère, une techno-sphère. Le réseau dense des données issues d'observations satellitaires et la lourde infrastructure informatique qui permet de les traiter font à la fois partie de "ce qui nous sauve", en nous permettant de mieux connaître les impacts humains sur le système Terre, et de ce qui nous a perdu, en ce qu'ils participent du projet de domination absolue de la planète qui est une des causes de notre enfoncement dans la période d'Accélération de l'Anthropocène après 1945. La part de responsabilité écrasante dans le changement climatique des deux puissances hégémoniques du XIXe siècle (le Royaume-Uni) et du XXe siècle (les Etats-Unis d'Amérique) témoigne du lien fondamental entre la crise climatique et les entreprises de domination globale.

Dès lors qu'il n'est plus possible de s'abstraire de la nature, il s'agit de penser avec Gaïa. Une des tâches majeures de la philosophie contemporaine est sans doute de repenser la liberté autrement que comme arrachement aux déterminations naturelles ; d'explorer ce qui peut être infiniment enrichissant et émancipateur dans ces attachements qui nous relient aux autres êtres d'une Terre finie. Que nous reste-t-il d'infini dans un monde fini ?

A l'heure de l'Anthropocène, le fonctionnement de la Terre toute entière devient une affaire de choix politiques humains. L'Anthropocène est politique en ce qu'il implique d'arbitrer entre divers forçages humains antagonistes sur la planète, entre les empreintes laissées par les différents groupes humains, par différents choix techniques et industriels, ou entre différents modes de vie et de consommation. Il importe alors d'investir politiquement l'Anthropocène pour surmonter les contradictions et les limites d'un modèle de modernité qui s'est globalisé depuis deux siècles, et explorer les voies d'une descente rapide et équitablement répartie de l'empreinte écologique des sociétés. La bonne politique sera celle qui réalisera la "mise en œuvre avisée" des savoirs neutres de la science ; l'humanité deviendra écologiquement soutenable lorsque le message de la science l'aura bien pénétrée et qu'elle aura adopté ses solutions.

L'histoire de l'énergie est surtout celle de choix politiques, militaires et idéologiques qu'il faut analyser en historien, c'est-à-dire en les rapportant aux intérêts et aux objectifs stratégiques de certains groupes sociaux. Avoir cette lecture de l'histoire énergétique est particulièrement important dans le contexte climatique actuel : le recours aux pétroles non conventionnels et aux gaz de schiste montre qu'on ne saurait laisser les réserves "naturelles" dicter le tempo de la transition énergétique. Pour des raisons climatiques, il faut absolument produire une contrainte politique bien avant que le "signal prix" nous force à changer de modèle !

L'Anthropocène est un point de non-retour. Il faut donc apprendre à y survivre, c'est-à-dire à stabiliser le système Terre dans un état un tant soit peu habitable et résilient, limitant la fréquence des catastrophes, sources de misère humaine. Mais aussi à y vivre, dans la diversité des cultures et l'égalité des droits et des conditions, dans des liens qui libèrent les altérités humaines et non humaines, dans l'infini des aspirations, la sobriété des consommations, et l'humilité des interventions. Ce qui peut nous aider à habiter l'Anthropocène n'est donc pas une science trop sûre d'elle-même, ce n'est pas "la présomption d'un savoir suffisant, mais la reconnaissance de notre ignorance". Loin de l'avènement d'un "âge de l'homme", l'Anthropocène témoigne donc de notre impuissant pouvoir.

Quelles paroles faut-il semer, pour que les jardins du monde redeviennent fertiles ? Quelles histoires faut-il écrire pour apprendre à vivre l'Anthropocène ? »

dimanche 8 décembre 2013

Le besoin d'éthique dans le consumérisme nous détourne de la transition vers les énergies renouvelables


Notre activité de consommateur a modelé notre identité personnelle : choix de produits de marques, recherche de la mode dernier cri, frustrations engendrées par la rapidité des évolutions technologiques. Dans la mesure où cette activité nous conforte psychologiquement au jour le jour, l’exigence de moraliser le consumérisme devient une exigence de changer ce que nous sommes.

Nos désirs de consommateur dépassent notre capacité d’utilisation des produits que nous achetons. Car il y a des limites à ce que nous pouvons manger, porter, regarder, et au nombre de pièces occupables simultanément dans notre logement. Entre ce que nous achetons et ce que nous utilisons durablement, il y a le gaspillage qui empire avec le développement du consumérisme. La culpabilité d’acheter des objets inutiles est d’autant plus forte que les revenus des gens sont faibles. Au fil du temps, les jeunes gaspillent plus et culpabilisent moins que leurs aînés.

Dès lors, il apparaît évident que c’est un devoir moral de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) liés à l’achat de biens qui sont gaspillés, utilisés très brièvement, et donc de faire correspondre nos désirs de consommateur à nos besoins durables d’utilisateur.

Changer notre façon de consommer revient à renoncer à notre identité telle qu’elle nous est imposée par l’industrie manufacturière ; donc à nous défaire positivement de notre culpabilité sur notre responsabilité individuelle quant au changement climatique. Nos choix individuels visant la réduction des émissions de GES n’impliquent pas de renoncer à notre confort, car un changement dans nos comportements individuels n’a collectivement qu’un effet minime sur le réchauffement climatique.

Les politiques et les puissants groupes internationaux cherchent à déplacer leur responsabilité sur les problèmes environnementaux et énergétiques vers la sphère des comportements individuels où le coupable c’est la « nature humaine ». Le débat public actuel exempte les institutions et les entreprises qui pérennisent et augmentent les dégradations à l’environnement et les émissions de GES, en laissant croire que les comportements individuels dans nos décisions d’achats vont y changer quelque chose. Ce faisant, ils font de l’éthique consumériste une marchandise !

Au lieu de rechercher les solutions énergétiques permettant de résoudre les facteurs systémiques qui sont la cause du réchauffement climatique, ils orientent la discussion sur le plan de la morale individuelle. On nous demande d’acheter des produits éco-compatibles, d’isoler nos maisons, de recycler nos déchets, etc. Sans critiquer l’utilité indéniable de ces activités, focaliser sur elles nos espoirs et les présenter comme la solution aux problèmes climatiques, détourne complètement les esprits des vraies solutions et bloque la transition énergétique vers les énergies renouvelables.

Les espoirs de changement ne doivent pas être placés prioritairement sur le consommateur, mais sur le citoyen. Car les vraies solutions constituant la transition vers les énergies renouvelables ne viendront pas de notre comportement dans un supermarché, mais de notre choix dans l’isoloir.

En fait, le changement climatique est un problème collectif global pour l’espèce humaine. Il requiert des actions politiques globales très fortes et d’en verrouiller la mise en place par l’ensemble des gouvernements de la planète.

Bien sûr, la transition énergétique nécessite d’énormes investissements pour le développement et l’utilisation effective de transports ‘verts’ et d’unité ‘vertes’ de productions industrielles. L’ordre de grandeur de ces investissements à l’échelle mondiale est à rapprocher du montant quotidien de 100 trillions d’euros constituant l’ensemble des transactions financières dans le « shadow banking » et à travers les plateformes financières qu’on appelle les « dark pools ». Cette course vers toujours plus de revenus financiers, se révèle être le syndrome pathologique d’une addiction à l’argent pour laquelle on devrait se pencher vers une réponse médicale…

Ces montants faramineux qui restent majoritairement inutilisés dans l’économie réelle, devraient être bloqués et redirigés par les gouvernements vers la transition énergétique(1). Ensuite, les Etats devront empêcher tout risque systémique bancaire en interdisant les opérations constituant des « paris » sur les prix des produits financiers, par une législation globale appropriée. Sa mise en place doit être mondiale et simultanée. Toute velléité du ‘système’ financier de se réinvestir dans une nouvelle bulle immobilière ne peut être contrecarrée que par une ‘saisie’ globale des avoirs.  

La réorientation de cette masse énorme d’argent en investissements dans les énergies renouvelables surabondantes(2), pour une transition énergétique dans le cadre de l’économie réelle contrôlée par les Etats, permettrait de rendre gratuitement les ménages énergétiquement autonomes et indépendants.