Notre activité de consommateur a modelé notre identité
personnelle : choix de produits de marques, recherche de la mode dernier
cri, frustrations engendrées par la rapidité des évolutions technologiques.
Dans la mesure où cette activité nous conforte psychologiquement au jour le
jour, l’exigence de moraliser le consumérisme devient une exigence de changer
ce que nous sommes.
Nos désirs de consommateur dépassent notre capacité d’utilisation
des produits que nous achetons. Car il y a des limites à ce que nous pouvons
manger, porter, regarder, et au nombre de pièces occupables simultanément dans
notre logement. Entre ce que nous achetons et ce que nous utilisons
durablement, il y a le gaspillage qui empire avec le développement du
consumérisme. La culpabilité d’acheter des objets inutiles est d’autant plus
forte que les revenus des gens sont faibles. Au fil du temps, les jeunes
gaspillent plus et culpabilisent moins que leurs aînés.
Dès lors, il apparaît évident que c’est un devoir moral de
réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) liés à l’achat de biens qui
sont gaspillés, utilisés très brièvement, et donc de faire correspondre nos
désirs de consommateur à nos besoins durables d’utilisateur.
Changer notre façon de consommer revient à renoncer à notre
identité telle qu’elle nous est imposée par l’industrie manufacturière ;
donc à nous défaire positivement de notre culpabilité sur notre responsabilité
individuelle quant au changement climatique. Nos choix individuels visant la
réduction des émissions de GES n’impliquent pas de renoncer à notre confort,
car un changement dans nos comportements individuels n’a collectivement qu’un
effet minime sur le réchauffement climatique.
Les politiques et les puissants groupes internationaux
cherchent à déplacer leur responsabilité sur les problèmes environnementaux et
énergétiques vers la sphère des comportements individuels où le coupable c’est
la « nature humaine ». Le débat public actuel exempte les
institutions et les entreprises qui pérennisent et augmentent les dégradations
à l’environnement et les émissions de GES, en laissant croire que les
comportements individuels dans nos décisions d’achats vont y changer quelque
chose. Ce faisant, ils font de l’éthique consumériste une marchandise !
Au lieu de rechercher les solutions énergétiques permettant
de résoudre les facteurs systémiques qui sont la cause du réchauffement
climatique, ils orientent la discussion sur le plan de la morale individuelle.
On nous demande d’acheter des produits éco-compatibles, d’isoler nos maisons, de
recycler nos déchets, etc. Sans critiquer l’utilité indéniable de ces
activités, focaliser sur elles nos espoirs et les présenter comme la solution
aux problèmes climatiques, détourne complètement les esprits des vraies
solutions et bloque la transition énergétique vers les énergies renouvelables.
Les espoirs de changement ne doivent pas être placés
prioritairement sur le consommateur, mais sur le citoyen. Car les vraies
solutions constituant la transition vers les énergies renouvelables ne
viendront pas de notre comportement dans un supermarché, mais de notre choix
dans l’isoloir.
En fait, le changement climatique est un problème collectif
global pour l’espèce humaine. Il requiert des actions politiques globales très
fortes et d’en verrouiller la mise en place par l’ensemble des gouvernements de
la planète.
Bien sûr, la transition énergétique nécessite d’énormes
investissements pour le développement et l’utilisation effective de transports ‘verts’
et d’unité ‘vertes’ de productions industrielles. L’ordre de grandeur de ces
investissements à l’échelle mondiale est à rapprocher du montant quotidien de
100 trillions d’euros constituant l’ensemble des transactions financières dans
le « shadow banking » et à travers les plateformes financières qu’on
appelle les « dark pools ». Cette course vers toujours plus de
revenus financiers, se révèle être le syndrome pathologique d’une addiction à l’argent
pour laquelle on devrait se pencher vers une réponse médicale…
Ces montants faramineux qui restent majoritairement
inutilisés dans l’économie réelle, devraient être bloqués et redirigés par les
gouvernements vers la transition énergétique(1). Ensuite, les Etats devront
empêcher tout risque systémique bancaire en interdisant les opérations
constituant des « paris » sur les prix des produits financiers, par
une législation globale appropriée. Sa mise en place doit être mondiale et
simultanée. Toute velléité du ‘système’ financier de se réinvestir dans une
nouvelle bulle immobilière ne peut être contrecarrée que par une ‘saisie’
globale des avoirs.
La réorientation de cette masse énorme d’argent en
investissements dans les énergies renouvelables surabondantes(2), pour une
transition énergétique dans le cadre de l’économie réelle contrôlée par les
Etats, permettrait de rendre gratuitement les ménages énergétiquement autonomes
et indépendants.
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