Visitez aussi ces excellents blogues :

Le Climatoblogue ; Nous sommes la cause des changements climatiques, soyons-en la solution.

Docu Climat, voir pour mieux agir ; documentaires en streaming, articles et resources sur l'écologie et le réchauffement climatique,

Affichage des articles dont le libellé est planète. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est planète. Afficher tous les articles

lundi 28 mars 2016

Le dernier qui s’en va éteint la lumière


Ce dernier livre de Paul Jorion est avant tout un essai philosophique dépeignant les fondamentaux de l’humanité : comment elle s’est développée, surtout aux XIXème et XXème siècles, saccageant la planète et la polluant totalement, épuisant les matériaux et l’énergie qu’elle contient jusqu’à mettre en péril la survie de l’espèce humaine.

C’est certainement la compilation de plus de 400 études scientifiques réalisée par Pablo Servigne et Raphaël Stevens, dans tous les domaines de l’activité humaine parue au Seuil sous le titre Comment tout peut s’effondrer, qui a incité Paul Jorion à écrire Le dernier qui s’en va éteint la lumière.

Après avoir rappelé les limites physiques et intellectuelles de l’Homme, Paul Jorion pose la question des moyens dont dispose l’humanité pour empêcher son extinction. Notre existence étant limitée par la mort, les religions nous ont inventé ce qui se passe après la mort. Pour lui, les religions ont joué un rôle démobilisateur majeur vis-à-vis de la lutte contre l’éventuelle extinction du genre humain. Car,

…focaliser son attention sur cette chimère qu’est la vie après la mort dans un ailleurs inévitablement présenté comme un paradis par rapport au monde où nous vivons distrait de la tâche d’améliorer celui-ci, ou du moins de le rendre ou de le garder viable (p.185).

L’espérance d’une vie au-delà de la mort contribue à cette démobilisation générale. Car l’espérance fabrique ainsi un lieu où l’on se rendra après la mort, où justice sera enfin rendue, où les choses s’arrangeront une fois pour toutes, sans qu’il n’y ait la moindre preuve en faveur de cette croyance. L’espérance est démobilisante et favorise l’extinction de l’humanité.

Paul Jorion passe en revue les notions de bonheur, héroïsme, beauté, sainteté sagesse. Et sur l’éducation des enfants, il préconise de leur dire :

Tu vas peut-être vivre 80 ou 100 ans, et ces quelques dizaines d’années ne sont rien si l’on songe que les dinosaures ont vécu pendant 160 millions d’années et ont disparu il y a 60 millions d’années déjà. Mais si tu fais tout ce que tu as envie de faire […] tu auras bientôt le sentiment que ta naissance se perd dans la nuit des temps, que tu as vécu infiniment […] Parce que l’occasion ne te sera jamais donnée après ta mort de jeter un regard en arrière […] Tout ce qu’il t’est loisible de faire, c’est de te dire au moment de mourir : ‘’j’ai tiré de ce qui m’a été donné tout ce qui était possible’’ et de quitter ainsi le monde joyeusement (p.202-203).

Les assemblées représentatives du peuple, parlement et sénat, défendent les intérêts d’une minorité identifiée au milieu des affaires dont les intérêts sont opposés à changer quoi que ce soit. Dans la poursuite de leur addiction à l’argent, ce que la bible appelle le Veau d’Or, ils sont insensibles au précipice qui est droit devant nous et qui signifie la fin de l’espèce. C’est la forme des institutions qui s’est ossifiée et a cessé d’être adaptée au moment présent.

Paul Jorion affirme qu’avec la sortie du film Interstellar débute le travail de deuil de l’Homme à propos de son espèce. Le mieux encore pour nous aurait été de ne pas naître, mais une fois jetés dans le monde par la naissance, nous sommes équipés pour prendre en main le monde tel qu’il est.

Paul Jorion se demande si l’extinction de notre espèce ne constitue pas en réalité un progrès dans la réalisation de l’esprit du monde, et ce serait alors la machine intelligente qui constituerait l’étape ultérieure de la Raison dans l’Histoire, en tant que notre prolongement après que nous aurons disparu. La mission de l’homme serait-elle de faire advenir la machine intelligente ? En réalité cette idée dans l’esprit de Paul Jorion, revient à une autre forme d’espérance de survie de (notre ?) l’esprit après l’extinction de notre espèce.
Personnellement je pense que si, comme le dit Paul Jorion, l’espérance est démobilisatrice pour lutter contre notre extinction, il faudrait éviter, dans ce cas, de faire advenir la machine intelligente ! Et plus probablement, toute forme différente d’intelligence qui adviendrait sur la planète après l’extinction humaine – en supposant qu’elle découvre nos traces archéologiques – devrait ne pas s’intéresser à l’intelligence humaine plus que nous-mêmes nous intéressons à l’intelligence des dinosaures ! Ceci dépends quand même de la grandeur du fossé entre leur niveau d’intelligence et le nôtre.

jeudi 26 juillet 2012

Les limites à la croissance

Ceux d’entre nous qui dans les années 70, s’étaient intéressés aux travaux du Club de Rome sur la croissance, n’ont pas pu manquer la parution en français de la mise à jour du fameux rapport Meadows : « Les limites à la croissance1 ».

Il ya donc 40 ans en 1972, Donella Meadows, Dennis Meadows, Jorgen Randers et 14 autres chercheurs du MIT2 mettaient la Théorie de la Dynamique des Systèmes en équations pour modéliser la croissance. La Théorie de la Dynamique des Systèmes provient des travaux de Jay Forrester, professeur au MIT, concepteur du modèle informatique Word3. La version initiale de Word3 a été adaptée en Word3-91 et les résultats furent publiés sous « Beyond the Limits » en 1992. Une adaptation nouvelle en Word3-03 a engendré les résultats publiés en 2004, dont nous lisons enfin la traduction sous « Les limites à la croissance (dans un monde fini) » en 2012. 

D’après les auteurs, le scénario initial de 1972 se confirme actuellement, bien qu’il soit basé sur des données de l’époque qui décrivent de façon réaliste la seconde moitié du 20ème siècle. On y constate un décrochage avant 2020 de la production industrielle, de la production agricole (nourriture disponible),  de l’espérance de vie, du bien-être humain et des ressources non renouvelables de la planète. 

Après avoir tenté divers scénarios, les auteurs décrivent, dans un scénario n° 9, une planète qui aurait cherché, à partir de 2002, à stabiliser sa population et sa production industrielle par habitant, et qui investit dans la lutte antipollution, dans la préservation des ressources non renouvelables et dans l’agriculture. 

Cet ouvrage est à recommander comme livre de référence pour nos politiciens qui, avant de parler de « relancer » la croissance, devraient se poser les questions suivantes : À quoi sert la croissance ? À qui bénéficie-t-elle ? Combien de temps durera-t-elle ? Cette croissance peut-elle être supportée par la planète ? Ce type de croissance sert-il des objectifs sociétaux et favorise-t-il la durabilité ? 

Une société durable réviserait les modes de répartition actuels entre pauvres et riches pour qu’ils soient plus équitables. Maintenir les pauvres dans le dénuement entretient le germe de la révolte et de la guerre, et empêche de stabiliser la démographie durablement au niveau mondial. Une société durable cherchera à répondre aux besoins de tous les êtres humains. Pourvu que ceux-ci admettent que le potentiel de croissance qu’il nous reste soit réparti entre tous, et à ceux qui en ont le plus besoin. Une société durable ne peut pas se bâtir sur le découragement des plus faibles, sur le chômage, car ce sont les résultats de l’interruption de croissance de l’économie actuelle. On peut arrêter la voiture de l’économie avec ses freins, de façon durable, ou avec un mur de pierre, à la façon de la récession actuelle. 

L’économie mondiale est en dépassement de toutes les limites physiques de la planète, ce qui amène son basculement inattendu, rapide, incompatible pour y faire face avec le temps d’adaptation nécessaire aux individus et aux entreprises. Une approche volontariste vers la durabilité nécessite une préparation lente pour que chacun trouve sa place dans une nouvelle économie durable.
__________________________ 

1.  « Les Limites à la Croissance (dans un monde fini) » est une traduction française de « The Limits to Growth, The 30-Year Update ». C’est la mise à jour en 2004, 30 ans après, du fameux Rapport Meadows de 1972 qui fut inspiré par Aurelio Peccei, fondateur du Club de Rome, au Groupe Dynamique des Système au sein du MIT qui s’est servi de la ‘Théorie de la Dynamique des Systèmes’ pour analyser les causes et conséquences à long terme de la croissance mondiale. Le Rapport Meadows fut publié en français sous le titre « Halte à la croissance ? ».

2. MIT Massachusetts Institute of Technology, Sloan School: Alison A. Anderson, USA, Erich K.O. Zahn Allemagne, Ilyas Bayar, Turquie, Jay M. Anderson, USA, Farhad Hakimzadeh, Iran, William W. Behrens III, USA, Judith A. Machen, USA, Steffen Harbordt, Allemagne, Peter Milling, Allemagne, Nirmala S. Murthy, Inde, Roger F. Naill, USA, Stephen Schantzis, USA, John A. Seeger, USA, Marilyn Williams, USA.